vendredi 8 juin 2007

L'hiver des mots

Tous les jours , les mots d’une langue disparaissent sous prétexte qu’une langue doit impérativement évoluer pour survivre .Survivre à ce raz de marée linguistique cosmopolite bousculant sur son passage des règles de grammaire qu’on ne respecte plus et défiant les lois d’une syntaxe déjà mise à rude épreuve par des maladresses dans l’expression qu’on trouve normales dans un monde où la publicité occupe notre monde et nos esprits. Des langages extra-scolaires ont fait leur apparition dans l’imaginaire des enfants qui les adoptent avec une facilité déconcertante. Ces langages loin d’être innocents , asservissent les esprits qui se mettent à les répéter sans souvent en comprendre le sens .
Des mots nouveaux donc apparaissent et silencieusement s’installent dans le quotidien des hommes et des femmes qui pour bien paraître se mettent souvent à la « page » d’un vocabulaire pour ne pas dire lexique , qui dénature souvent le sens profond des mots en leur ôtant le charme du « dire »
Il est vrai et même souhaitable qu’une langue doit évoluer , s’actualiser , mais le plus important et c’est l’essentiel elle s’enrichit mal et paradoxalement aujourd’hui , elle évolue tout en s’appauvrissant .Nous parlons et écrivons des langages abrégés , découpés , étêtés ,et le mot finit par ne devenir qu’un signe qui enlève la voix au « dire »

Alors , un jour nous ne parlerons plus peut-être et partant nous nous écouterons plus « dire »
Et toute la souffrance du monde se résumera à un « signe » de détresse que notre langue aura du mal à décoder pour en exprimer la douleur figée et que des mots appauvris n’arriveront jamais à en montrer toute l’étendue.

On nous bassine avec le concept que notre monde est celui de la communication et paradoxalement l’homme ne communique plus .Au contraire , il ne s’est jamais senti aussi seul que dans notre monde .Il suffit pour cela de voir que les facteurs ne sont plus submergés de lettres à distribuer et le chômage les guette chaque fois qu’une onomatopée remplace un mot. Faisant ainsi diminuer le nombre des adeptes du verbe conjugué et augmentant celui de la conjugaison approximativement muette.

Le printemps des mots a cédé la place à l’hiver de la parole et les mots glacés nous empêchent de « dire » combien la communication est devenue stérile à une époque où les moyens de communication fleurissent sur l’autel du désespoir et confinant l’homme à la plus abjecte des solitudes parce qu’incapable de « dire » le malheur des mots qui ne parlent plus mais qui bégayent…..pour ne rien « dire » …

Pour permettre une meilleure sauvegarde des mots qu’on s’évertue mollement à « sauver » il y a lieu d’impliquer le corps enseignant .En effet , c’est à l’école que se construit la meilleure des motivations. Apprendre aux enfants une langue , c’est aussi leur permettre de la vivre non pas uniquement comme un instrument de communication mais aussi comme une culture . On s’attache aisément à libérer l’expression en s’entraînant à mal la structurer ou à mal la construire .Ce qui fait qu’aujourd’hui avec l’apparition de néologismes qu’on adopte facilement , on a l’impression que nous ne parlons plus la même langue . Le texte écrit fait piètre figure devant les fla-flas de l’image. E t , nous , sympathiques jocrisses que nous sommes devenus par la grâce d’un monde virtuel où l’on nous abreuve sans cesse de billevesées dans le seul but d’animer des débats que le nouveau langage rend monotones tels des propos d’une peronnelle parce que dénués de tendresse ,de finesse , de clarté et surtout de concision. Sauver les mots est à vrai dire une tâche ardue mais ô combien excitante et sans barguigner , je me ferais volontiers l’argousin et non le ruffian de la langue française et je dis cela sans cagoterie. Et pour tous ceux qui aiment le fripé et le vagabondage aux carrefours des mots, je les invite à méditer cette pensée d’Armand Robin : « surgi de ceux qui n’ont pas de mots pour leur cri , j’ai du moins, pour apaiser mes remords, brouillé de langue en langue mes paroles. »


Kamel Kies

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